Bientôt deux ans. Deux ans qu’ils occupent nos esprits, les rond-points et les avenues des grandes villes, notamment l’Avenue des Champs-Élysées à Paris. Depuis hier, les images des commerçants, qui se claquemurent et barricadent leurs magasins, effacent la réalité de ce mouvement profond de contestation sociale qui cherche un second souffle.
C’est donc un véritable test pour les gilets jaunes, et leur capacité à remobiliser dans un contexte qui a radicalement changé : la crise sanitaire est passée par là et continue de peser sur nos vies comme une épée de Damoclès et la crise économique et sociale à venir qui angoisse un pays qui doute.
Le changement de contexte, ce sont aussi les annonces un peu tapageuses de Gérald Darmanin sur les nouvelles « armes » à la disposition des forces de l’ordre. Sans entrer dans les détails techniques, il s’agit de grenades moins blessantes. Pour ce qui concerne les LBD, qui ont mutile des dizaines de manifestants depuis 2 ans, les policiers ne pourront désormais tirer qu’après l’autorisation d’un superviseur. On peut saluer ces changements à minima mais se désoler surtout que la France ait, une nouvelle fois, choisi une ligne répressive alors que plusieurs pays européens, comme la Belgique, l’Allemagne, la Grande Bretagne ou la Suède ont choisi de travailler sur un maintien de l’ordre qui privilégie la désescalade et le dialogue. Ces pays connaissent eux aussi le phénomène « black bloc » mais le maintien de l’ordre ne mutile pas et blesse beaucoup moins. La France a d’ailleurs refusé de participer, entre 2010 et 2013 au programme européen Godiac (Good practice for dialogue and communication as strategic principles for policing political manifestations in Europe),) auquel ont pourtant participé 12 pays européens afin de travailler sur une nouvelle façon de maintenir l’ordre, dans un contexte de durcissement des mouvements sociaux. Pourquoi ce refus ? Beaucoup d’experts considèrent que la France, qui se targue d’avoir « inventé » la doctrine du maintien de l’ordre au 19ieme siècle, a bien du mal à accepter que quiconque vienne lui donner des leçons en la matière.
Comme à chaque fois, les manifestations d’aujourd’hui sont gangrenées par les casseurs et les blacks blocs. Revoilà les images de voitures brûlées, de mobilier urbain dévasté, les échauffourées entre hommes en noirs et policiers, ces images qui décrédibilisent un mouvement social aux revendications légitimes.
Un mouvement un peu mieux organisé mais qui refuse d’être récupéré. Même si des représentants politiques sont dans les cortèges, comme La France Insoumise, les gilets jaunes se cabrent face à toute tentative. Pour preuve, l’exfiltration de Jean-Marie Bigard, qui a pourtant soutenu depuis toujours les gilets jaunes, mais qui s’est fait huer lorsqu’il a voulu entrer dans la manifestation aux cris de « Casse-toi ! Collabo ! » Pour rappel, Bigard s’était désolidarisé de Jérôme Rodriguez (qui avait traité les policiers de « nazis »).
Malgré une mobilisation un peu plus faible que prévue à Paris, il ne faut pas sous-estimer ce qui se passe aujourd’hui en France. Même si les images renvoyées évoquent le désordre, le message profond de justice sociale, d’une démocratie revitalisée, ce message d’une France qui travaillé et qui s’appauvrit reste le fil conducteur du mouvement des Gilets Jaunes qui, après deux années à manifester chaque semaine, est toujours là.
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— Syndicat Commerce (@SyndicatC) September 12, 2020